Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

girent de ravissement ; il se prosterna devant le fils du Léopard et murmura :

— Naoh est aussi rusé que toute une horde d’hommes !… Il sera le grand chef des Oulhamr et aucun ennemi ne lui résistera.

Ils s’assirent devant ce faible feu et ce fut comme si le brasier des nuits les protégeait de sa véhémence, au bord des cavernes natales, sous les étoiles froides, devant les flammeroles du grand marécage. L’idée du long retour ne leur était plus pénible : quand ils auraient quitté les terres du Grand Fleuve, les Kzamms ne les poursuivraient point : ils traverseraient des contrées où les bêtes seules rôdent dans les solitudes.

Ils rêvèrent longtemps ; l’avenir était sur eux et pour eux, l’espace rempli de promesses. Mais, quand la lune commença de croître sur le ciel occidental, l’inquiétude se tapit dans leurs poitrines.

— Où reste Gaw ?… murmura le chef. N’a-t-il pas su dépister les Kzamms ? A-t-il été arrêté par un marécage ou pris au piège ?

La plaine était muette ; les bêtes se taisaient ; la brise même venait de s’alanguir sur le fleuve et de s’évanouir dans les trembles ; on n’entendait que la rumeur assourdie des eaux. Fallait-il attendre jusqu’à l’aube ou se mettre à la recherche de l’absent ? Il répugnait étrangement à Naoh de laisser le Feu à la garde de Nam. D’autre part, l’image du jeune guerrier pourchassé par les Dévoreurs d’Hommes le surexcitait. À cause du Feu, il pouvait l’abandonner à son sort, et même il le devait, mais il s’était pris pour ses compagnons d’une tendresse sauvage ; ils participaient véritablement de sa personne ; leurs dangers l’alarmaient autant que les siens, davantage même, car il les savait plus que lui exposés aux embûches, menacés par les éléments et les êtres.