Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/154

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sa blessure, si c’était un homme ou un mélange de l’homme et des bêtes qui rampent. Il essaya de lui parler par gestes, de lui persuader qu’il ne le tuerait point. Puis il lui montra l’abri des Nains Rouges, en faisant signe que c’était d’eux que viendrait la mort.

L’homme, tournant son visage vers le chef, poussa un cri sourd et très guttural. Naoh crut qu’il avait compris.

Le croissant touchait au bout du firmament, la grande étoile bleue avait disparu. L’homme, à demi redressé, appliquait des herbes sur sa blessure ; on voyait parfois une faible scintillation dans son œil opaque.

Lorsque la lune sombra, les étoiles allongèrent leurs scintillations sur les ondes et l’on entendit travailler les Nains Rouges. Ils travaillèrent toute la nuit, les uns chargés de branchages, les autres avançant le retranchement. Plusieurs fois, Naoh se leva pour combattre. Mais il percevait le nombre des ennemis, leur vigilance et leurs embûches ; il comprenait que chaque mouvement des Oulhamr serait dénoncé ; et il se résigna, comptant sur les hasards de la lutte.

Une nouvelle nuit passa. Au matin, les Nains Rouges lancèrent quelques sagaies qui vinrent s’abattre près du retranchement. Ils crièrent leur joie et leur triomphe.

C’était le dernier jour. Au soir, les Nains achèveraient d’avancer leurs abris ; l’attaque se produirait avant le coucher de la lune… Et les Oulhamr scrutaient l’eau verdâtre avec colère et détresse, tandis que la faim rongeait leurs ventres.

Dans la lueur du matin, le blessé semblait plus étrange. Ses yeux étaient pareils à du jade, son long corps cylindrique se tordait aussi facilement qu’un ver, sa main sèche et molle se recourbait bizarrement en arrière…

Soudain, il saisit un harpon et le darda sur une feuille de nénuphar ; l’eau bouillonna, on aperçut une forme