Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maient pas de feu, ne se servaient pas du langage articulé, ne pratiquaient pas la guerre ni la chasse. Ils étaient terribles lorsqu’on les attaquait, qu’on leur barrait le passage ou qu’ils démêlaient un acte hostile.

Après un matin d’efforts, la forêt devint moins farouche. Les griffes et les dents des plantes décrurent ; des routes tracées par les bêtes s’ouvrirent parmi les arbres millénaires ; la pénombre verte s’éclaircit ; mais la multitude des oiseaux continuait à remplir le pays d’arbres, on percevait la présence des fauves, des reptiles, des insectes et une palpitation intarissable, une lutte immense, patiente, sournoise, où la chair des plantes et des bêtes ne cessait de succomber et de croître…

Un jour, la femme-chef montra les sous-bois d’un air énigmatique. Parmi les feuilles d’un figuier, un corps bleuâtre venait d’apparaître et Naoh reconnut un homme. Se souvenant des Nains Rouges, il trembla de haine et d’anxiété. Le corps disparut. Il se fit un grand silence. Les Wah, avertis, arrêtèrent leur marche et se rapprochèrent davantage les uns des autres.

Alors, le plus vieil homme de la horde parla.

Il dit la force des Hommes-au-Poil-Bleu et leur colère effroyable ; il assura que, par-dessus toutes choses, il ne fallait pas prendre la même route qu’eux ni passer au travers de leur campement ; il ajouta qu’ils détestaient les clameurs et les gestes.

— Les pères de nos pères, conclut-il, ont vécu sans guerre dans leur voisinage. Ils leur cédaient le chemin dans la forêt. Et les Hommes-au-poil-bleu, à leur tour, se détournaient des Wah dans la plaine et sur les eaux.

La femme-chef acquiesça à ce discours et leva son bâton de commandement. La horde, prenant une direc-