Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/175

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ses compagnons, deux ou trois tenaient des branches encore feuillues dont ils grattaient la terre.

Le géant s’avança vers les Wah et les Oulhamr, tandis que les autres grondaient tous ensemble. Il se frappait la poitrine, on voyait la masse blanche de ses dents reluire entre les lourdes lèvres frémissantes.

Les Wah, sur un signe de la femme-chef, battaient en retraite. Ils le faisaient sans hâte. Obéissant à une tradition ancienne, ils s’abstenaient de tout geste comme de toute parole. Naoh les imita, confiant dans leur expérience. Mais Nam et Gaw, qui précédaient la horde, demeurèrent un instant indécis. Quand ils voulurent imiter le chef, la route était coupée : les Hommes-au-Poil-Bleu s’étaient éparpillés dans la clairière. Alors, Gaw se jeta dans le sous-bois, tandis que Nam essayait de franchir une zone libre. Il glissait, si léger et si furtif qu’il faillit réussir. Mais, d’un bond, une femelle se dressa devant lui ; il obliqua. Deux mâles accoururent. Comme il les évitait encore, il trébucha.

Des bras énormes saisirent Nam. Il se trouva dans les mains du géant.

Il n’avait pas eu le temps de lever ses armes ; une pression irrésistible paralysait ses épaules, il se sentait aussi faible qu’un saïga sous le poids du tigre. Alors, connaissant la distance qui le séparait de Naoh, il demeura engourdi, les muscles immobiles, les prunelles violettes : sa jeunesse défaillait devant la certitude de mourir.

Naoh ne put souffrir de voir tuer son compagnon ; il s’avançait, tenant une sagaie et sa massue, lorsque la femme-chef l’arrêta :

— Ne frappe pas ! dit-elle.

Elle lui fit comprendre qu’au premier coup Nam périrait. Tout frémissant entre l’élan qui le poussait à com-