Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/177

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Comme il avait senti le souffle de la destruction, ainsi sentit-il que le péril venait de disparaître. Il se redressa sur son séant, avec lenteur, et attendit. Pendant un moment, ils ne cessèrent de l’observer, avec une défiance lointaine. Puis une femelle, tentée par une pousse tendre, ne songea plus qu’à la dévorer ; un mâle se mit à déterrer des racines ; peu à peu tous obéirent au besoin profond de la nourriture : comme ils tiraient toute leur force des plantes et que leur choix était plus restreint que celui des élaphes ou des aurochs, la tâche était longue, minutieuse, continue…

Le jeune Nomade fut libre. Il rejoignit Naoh qui s’était avancé dans la clairière et tous deux regardaient les Hommes-au-Poil-Bleu disparaître et reparaître. Nam, encore palpitant de l’aventure, aurait voulu les voir mourir. Mais Naoh ne haïssait pas ces hommes étranges ; il admirait leur force comparable à celle des ours, et songeait que, s’ils le voulaient, ils anéantiraient les Wah, les Nains Rouges, les Dévoreurs d’Hommes et les Oulhamr.



VIII

L’OURS GÉANT EST DANS LE DÉFILÉ


Depuis longtemps, Naoh avait quitté les Wah et traversé la forêt des Hommes-au-Poil-Bleu. Par l’échancrure des montagnes, il avait gagné les plateaux. L’automne y était plus frais, les nuages roulaient, interminables, le vent hurlait des journées entières, l’herbe et les feuilles fermentaient sur la terre misérable et le froid massacrait les insectes sans nombre, sous les écorces, parmi les tiges branlantes, les racines flétries, les fruits