Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/181

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sapins poussés sur la roche dure. Le mâle est descendu par la droite et la femelle à gauche.

Hasard ou vague tactique, ils avaient réussi à barrer les issues du défilé. Et l’attaque semblait imminente. On le percevait à la voix plus rude du mâle, à l’attitude ramassée et sournoise de la femelle. S’ils hésitaient encore, c’est que leur tête était lente et que leur instinct voulait la certitude : ils flairaient, avec de longs souffles caverneux, pour mieux mesurer la distance des ennemis dissimulés parmi les blocs.

Naoh donna ses ordres brusquement. Quand les ours prirent leur élan, déjà les Oulhamr étaient au fond de la caverne. Le Fils du Léopard se fit précéder par les jeunes hommes ; tous trois se hâtèrent autant que le permettaient le sol hérissé et les détours du passage.

En trouvant la caverne vide, les ours géants perdirent du temps à démêler la piste, parmi les traces antérieures des Oulhamr. Pleins de méfiance, ils s’arrêtaient par intervalles. Car, s’ils ne redoutaient la force d’aucun être, ils avaient une grande prudence naturelle et la crainte confuse de l’inconnu. Ils savaient l’incertitude des rocs, de la caverne et des abîmes ; leurs tenaces mémoires gardaient l’image des blocs qui se fendent et s’écroulent, du sol qui se crevasse, du gouffre au fond des ténèbres, de l’avalanche, des eaux qui crèvent la paroi dure. Dans leur vie déjà longue, ni le mammouth, ni le lion, ni le tigre ne les avaient menacés. Mais les énergies obscures se dressaient souvent devant eux : ils portaient les marques aiguës de la pierre, ils avaient presque disparu sous des neiges, ils s’étaient vus emportés par les débâcles du printemps et captifs sous la terre éboulée.

Or, le matin de ce jour, pour la première fois, des vivants les avaient attaqués. C’était du haut d’une