Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/190

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cuivreuses. Et la lueur rousse montre encore un sanglier trapu, qui s’arrête et qui grogne, un grand élaphe, l’échine tremblotante, ses ramures rejetées en arrière, la tête sournoise d’un lynx, aux oreilles triangulaires, aux yeux cuivrés et féroces, apparue entre deux branches de frêne.

Les hommes connaissent leur force. Ils mangent en silence la chair rôtie, joyeux de vivre dans la chaleur du feu. La horde est proche ! Avant le deuxième soir, ils reconnaîtront les eaux du grand marécage. Nam et Gaw seront accueillis comme des guerriers : les Oulhamr connaîtront leur courage, leur ruse, leur longue patience, et les redouteront. Naoh aura Gammla en partage et commandera après Faouhm… Leur sang bout d’espérance, et, si leur pensée est courte, l’instinct est prodigieux, plein d’images profondes et précises. Ils ont la jeunesse d’un monde qui ne reviendra plus. Tout est vaste, tout est neuf… Eux-mêmes ne sentent jamais la fin de leur être, la mort est une fable effrayante plutôt qu’une réalité. Ils la craignent brusquement, dans les moments terribles ; puis elle s’éloigne, elle s’efface, elle se perd au fond de leurs énergies. Si les fatalités sont formidables, si elles s’abattent sans répit avec la bête, la faim, le froid, les maux étranges, les cataclysmes, à peine ont-elles passé, ils ne les redoutent plus. Pourvu qu’ils aient l’abri et la nourriture, la vie est fraîche comme la rivière…

Un rugissement fend les ténèbres. Le sanglier prend du champ, l’élaphe bondit, convulsif, ses bois plus penchés sur la nuque, et cent structures ont palpité. D’abord, c’est, près de la tremblaie, une forme nébuleuse ; puis une silhouette oscillante, dont la puissance se décèle dans chaque geste ; une fois encore, Naoh aura vu le Lion Géant. Tout a fui. La solitude est sans bornes. La bête colossale s’avance avec inquiétude. Elle connaît