Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/208

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Cependant, une troupe de loups se rabattait vers la horde. Le crépuscule était mort. La dernière traînée écarlate venait de s’éteindre, les étoiles étincelaient dans un firmament de glace : ah ! voir croître la chaude bête rouge, la sentir palpiter sur les poitrines et les membres !

Enfin, Naoh fut en vue. Il arrivait tout noir sur la plaine grise et Faouhm hurlait :

— Le Feu !… Naoh apporte le Feu !

Ce fut un vaste saisissement. Plusieurs s’arrêtèrent, comme frappés d’un coup de hache. D’autres bondirent avec un rauquement frénétique — et le Feu était là.

Le Fils du Léopard le tendait dans sa cage de pierre. C’était une petite lueur rouge, une vie humble et qu’un enfant aurait écrasée d’un coup de silex. Mais tous savaient la force immense qui allait jaillir de cette faiblesse. Haletants, muets, avec la peur de le voir s’évanouir, ils emplissaient leurs prunelles de son image…

Puis ce fut une rumeur si haute que les loups et les chiens s’épouvantèrent. Toute la horde se pressait autour de Naoh, avec des gestes d’humilité, d’adoration et de joie convulsive.

— Ne tuez pas le Feu ! cria le vieux Goûn, lorsque la clameur s’apaisa.

Tous s’écartèrent. Naoh, Faouhm, Gammla, Nam, Gaw, le vieux Goûn formèrent un noyau dans la foule et marchèrent vers le rocher. La horde accumulait les herbes sèches, les rameaux, les branches. Quand le bûcher fut prêt, le fils du Léopard en approcha la lueur frêle. Elle s’empara d’abord de quelques brindilles ; avec un sifflement, elle se mit à mordre aux rameaux, puis, grondante, elle commença de dévorer les branches, tandis que, au bord des ténèbres refoulées, les loups et les chiens reculaient, saisis d’une crainte mystérieuse.

Alors Naoh, parlant au grand Faouhm, demanda :