Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/26

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son ouïe, il démêlait les voix de la brise, le craquement des végétaux, le vol des insectes et des rapaces, le pas et le rampement des bêtes ; il distinguait au loin le glapissement du chacal, le rire de l’hyène, la hurlée des loups, le cri de l’orfraie, le grincement des locustes ; par sa narine pénétraient le souffle de la fleur amoureuse, la senteur gaie des herbes, la puanteur des fauves, l’odeur fade ou musquée des reptiles. Sa peau tressaillait à mille variations ténues du froid et du chaud, de l’humidité et de la sécheresse. Ainsi vivait-il de ce qui remplissait l’Espace et la Durée.

Cette vie n’était point gratuite, mais dure et pleine de menace. Tout ce qui la construisait pouvait la détruire ; elle ne persisterait que par la vigilance, la force, la ruse, un infatigable combat contre les choses.

Naoh guettait, dans les ténèbres, les crocs qui coupent, les griffes qui déchirent, l’œil en feu des mangeurs de chair. Beaucoup discernaient dans les hommes des bêtes puissantes et ne s’attardaient point. Il passa des hyènes avec des mâchoires plus terribles que celles des lions : mais elles n’aimaient point la bataille et recherchaient la chair morte. Il passa une troupe de loups, et ils s’attardèrent : ils connaissaient la puissance du nombre, ils se devinaient presque aussi forts que les Oulhamr. Toutefois, leur faim n’étant pas excessive, ils suivirent des traces d’antilopes. Il passa des chiens, comparables aux loups ; ils hurlèrent longtemps autour du tertre. Tantôt ils menaçaient, tantôt, l’un ou l’autre approchait avec des allures sournoises. Ils n’attaquaient pas volontiers la bête verticale. Jadis, ils campaient en nombre près de la horde ; ils dévoraient les rebuts et se mêlaient aux chasses. Goûn fit alliance avec deux chiens auxquels il abandonnait des entrailles et des os. Ils avaient péri dans un combat contre le sanglier ; une alliance avec les autres