Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/28

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sait ; des reptiles secs étincelaient parmi les pierres ; les insectes répandaient dans l’étendue une palpitation inquiétante : ils filaient en spirale de cuivre, de jade, de nacre ; ils fondaient sur la peau des guerriers et dardaient leurs trompes âcres.

Quand l’ombre du neuvième jour devint longue, la terre se fit fraîche et tendre, une odeur d’eau descendit des collines, et l’on aperçut un troupeau d’aurochs qui marchait vers le sud. Alors, Naoh dit à ses compagnons :

— Nous boirons avant le coucher du soleil !… Les aurochs vont à l’abreuvoir.

Nam, fils du Peuplier, et Gaw, fils du Saïga, redressèrent leurs corps desséchés. C’étaient des hommes agiles et indécis. Il fallait leur donner le courage, la résignation, la résistance à la douleur, la confiance. En retour, ils offraient leur docilité, plastiques comme l’argile, enclins à l’enthousiasme, prompts à oublier la souffrance et à goûter la joie. Et parce que, étant seuls, ils se déconcertaient vite devant la terre et les bêtes, ils se pliaient à l’unité : ainsi, Naoh y percevait des prolongements de sa propre énergie. Leurs mains étaient adroites, leurs pieds souples, leurs yeux à longue portée, leurs oreilles fines. Un chef en pouvait tirer des services sûrs ; il suffisait qu’ils connussent sa volonté et son courage. Or, depuis le départ, leurs cœurs s’attachaient à Naoh ; il était l’émanation de la race, la puissance humaine devant le mystère cruel de l’Univers, le refuge qui les abriterait, tandis qu’ils lanceraient le harpon ou abattraient la hache. Et parfois, lorsqu’il marchait devant eux, dans l’ivresse du matin, joyeux de sa stature et de sa grande poitrine, ils frémissaient d’une exaltation farouche et presque tendre, tout leur instinct épanoui vers le chef, comme le hêtre vers la lumière.

Il le sentait mieux qu’il ne le comprenait, il s’accrois-