Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/41

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La bête, augmentant son effort, travaillant des pattes, de l’épaule, du crâne, tantôt se précipitait contre la barrière, tantôt l’attirait de ses griffes brillantes. Elle l’entama et, découvrant un point faible, elle la fit osciller. Dès lors, elle s’acharna au même endroit, d’autant plus favorable que les bras des hommes se trouvèrent trop courts pour y atteindre. D’ailleurs, ils ne s’attardèrent pas à des efforts inutiles : Naoh et Gaw, arc-boutés en face de l’ours, parvinrent à arrêter l’oscillation, tandis que Nam se penchait par l’ouverture et surveillait l’œil de la bête, où il projetait de lancer une flèche.

Bientôt l’assaillant perçut que le point faible était devenu inébranlable. Ce changement incompréhensible, qui niait sa longue expérience, le stupéfia et l’exaspéra. Il s’arrêta, assis sur son derrière ; il observa la muraille ; il la flaira ; et il secouait la tête avec un air d’incrédulité. À la fin, il crut s’être abusé, il retourna vers l’obstacle, donna un coup de patte, un coup d’épaule et, constatant que la résistance persistait, il perdit toute prudence et s’abandonna à la brutalité de sa nature.

L’ouverture libre l’hypnotisa ; elle parut la seule voie franchissable ; il s’y jeta éperdument. Un trait siffla et le frappa près de la paupière, sans ralentir l’attaque, qui fut irrésistible. Toute la machine impétueuse, la masse de chair où le sang roulait en torrent, rassembla ses énergies : la muraille croula.

Naoh et Gaw avaient bondi vers le fond de la caverne ; Nam se trouva dans les pattes monstrueuses. Il ne songeait guère à se défendre ; il fut semblable à l’antilope atteinte par la grande panthère, au cheval terrassé par le lion : les bras étendus, la bouche béante, il attendait la mort, dans une crise d’engourdissement. Mais Naoh, d’abord surpris, reconquit l’ardeur combative qui crée les chefs et soutient l’espèce. De même que Nam s’ou-