Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/67

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rôdant de la savane à la forêt, cherchait à rabattre quelque bête. Cette manœuvre inquiétait le chef.

Cependant, la tigresse finit par avancer tellement sous le couvert qu’on aurait pu livrer combat à son compagnon. Si la force de Nam et de Gaw avait été comparable à la sienne, Naoh aurait peut-être risqué l’aventure. Il souffrait de la soif. Nam en souffrait davantage : encore que ce ne fût pas son tour de veille, il ne pouvait dormir. Le jeune Oulhamr ouvrait dans la pénombre des yeux de fièvre ; Naoh lui-même était triste. Il n’avait jamais senti aussi longue la distance qui le séparait de la horde, de cette petite île d’êtres, hors laquelle il se perdait dans la cruelle immensité. La figure des femmes flottait autour de lui comme une force plus douée, plus sûre, plus durable que celle des mâles…

Dans son rêve, il s’endormit de ce sommeil de veille que la plus légère approche dissipe. Le temps passa sous les étoiles. Naoh ne s’éveilla qu’au retour de la tigresse. Elle ne ramenait pas de proie ; elle semblait lasse. Le Lion-Tigre s’étant levé, la flaira longuement et se mit en chasse à son tour. Lui aussi suivit le bord de la rivière, se tapit dans les buissons, prolongea sa course dans la forêt. Naoh l’épiait avidement. Souvent, il faillit éveiller les autres (Nam avait succombé au sommeil), mais un instinct sûr l’avertissait que la brute n’était pas assez éloignée encore. Enfin, il se décida, il toucha l’épaule de ses compagnons, et lorsqu’ils furent debout, il murmura :

— Nam et Gaw sont-ils prêts à combattre ?

Ils répondirent :

— Le fils du Saïga suivra Naoh !

— Nam combattra de l’épieu et du harpon.

Les jeunes guerriers considérèrent la tigresse. Quoique la bête fût toujours couchée, elle ne dormait point : à