Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/85

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découvrait rien. Car si le moindre obstacle déçoit une vue perçante, si l’on peut marcher assez doucement sur la steppe pour tromper l’antilope ou l’hémione, l’émanation se répand au passage et se conserve sur la piste : seuls l’éloignement et le vent contraire la dérobent…

Le glapissement d’un chacal fit lever la tête au grand Nomade. Il l’écouta d’abord en silence, puis il fit entendre un rire léger.

— Nous voici dans le pays des chacals, dit-il. Nam et Gaw essaieront d’en abattre un.

Les compagnons tournaient vers lui des visages étonnés. Il reprit :

— Naoh veillera dans ce buisson… Le chacal est aussi rusé que le loup : jamais l’homme ne pourrait l’approcher. Mais il a toujours faim. Nam et Gaw poseront un morceau de chair et attendront à peu de distance. Le chacal viendra ; il s’approchera et il s’éloignera. Puis il s’approchera et s’éloignera encore. Puis il tournera autour de vous et de la chair. Si vous ne bougez pas, si votre tête et vos mains sont comme de la pierre, après longtemps il se jettera sur la chair. Il viendra et sera déjà reparti. Votre sagaie doit être plus agile que lui.

Nam et Gaw partirent à la recherche des chacals. Ils ne sont pas difficiles à suivre ; leur voix les dénonce : ils savent qu’aucun animal ne les recherche pour en faire sa proie. Les deux Oulhamr les rencontrèrent près d’un massif de térébinthes. Il y en avait quatre, acharnés sur des ossements dont ils avaient rongé toute la fibre. Ils ne s’enfuirent pas devant les hommes ; ils dardaient sur eux des prunelles vigilantes ; ils glapirent doucement, prêts à détaler dès qu’ils jugeraient les survenants trop proches.

Nam et Gaw firent comme avait dit Naoh. Ils mirent sur le sol un quartier de biche, et, s’étant éloignés, ils demeurèrent aussi immobiles que le tronc des térébinthes.