Page:Rosny - La Guerre du feu.djvu/94

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dans le lac et marche à grands pas dans le fleuve ; elle se rue dans le torrent ; elle fait des bonds de tigre ou de mouflon dans le rapide.

Ainsi sentait Naoh devant les flots inépuisables. Cependant, il fallait s’abriter. Des îles s’offraient : refuge contre les entreprises du fauve, peu efficaces contre les hommes, elles gêneraient les mouvements, rendraient presque impossible la conquête du Feu et exposeraient à toutes les embûches. Naoh préféra le rivage. Il s’établit sur un roc de schiste, qui dominait faiblement le site. Les flancs en étaient abrupts, la partie supérieure formait un plateau où pouvaient s’étendre dix hommes.

Les préparatifs du campement furent terminés au crépuscule. Il y avait entre les Oulhamr et les poursuivants assez de distance pour ne concevoir aucune crainte durant la moitié de la nuit.

Le temps était frais. Peu de nuages rampaient dans le couchant d’écarlate. Tout en dévorant leur repas de chair crue, de noix et de champignons, les guerriers observaient la terre noircissante. La clarté permettait encore de discerner les îles, sinon l’autre rive du fleuve. Des onagres passèrent ; une troupe de chevaux descendit jusqu’aux berges ; c’étaient des bêtes trapues, dont la tête paraissait très grosse, à cause de la crinière emmêlée. Leurs mouvements avaient un grand charme ; leurs yeux, larges et fous, dardaient une lueur bleue ; l’inquiétude rompait et précipitait leur élan ; penchés sur l’eau, ils demeuraient tremblants, pleins de méfiance. Ils burent vite et s’enfuirent. Et la nuit éploya son aile de cendre ; elle couvrait déjà l’orient, tandis qu’à l’occident persistait une pourpre fine ; un rugissement tonna sur l’étendue.

— Le lion ! murmura Gaw.