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LA MORT DE LA TERRE

comme des forêts d’arbres et des savanes d’herbes. Un avenir immense s’ouvrait devant les créatures ; l’homme pressentait à peine les lointains descendants qui trembleraient en attendant la fin du monde. Imagina-t-il jamais que l’agonie durerait plus de cent millénaires ?

Targ leva les yeux vers le ciel où plus jamais ne paraîtraient des nuages. La matinée était fraîche encore, mais, à midi, l’oasis serait torride.

— La moisson est prochaine ! murmura le veilleur.

Il montrait un visage bistre, des yeux et des cheveux aussi noirs que l’anthracite. Comme tous les Derniers Hommes, il avait la poitrine spacieuse, tandis que le ventre se rétrécissait. Ses mains étaient fines, ses mâchoires petites, ses membres décelaient plus d’agilité que de force. Un vêtement de fibres minérales, aussi souple et chaud que les laines antiques, s’adaptait exactement à son corps ; son être exhalait une grâce résignée, un charme craintif que soulignaient les joues étroites et le feu pensif des prunelles.

Il s’attardait à contempler un champ de hautes céréales, des rectangles d’arbres, dont chacun portait autant de fruits que de feuilles, et il dit :

— Âges sacrés, aubes prodigieuses où les plantes couvraient la jeune planète !

Comme le Grand Planétaire était aux confins de l’oasis et du désert, Targ pouvait apercevoir un sinistre paysage de granits, de silices et de