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LA MORT DE LA TERRE

Il y avait souvent rêvé, sans l’avoir dit à personne, car une telle pensée eût paru stupide et presque blasphématoire à une humanité déchue, dont toutes les terreurs évoquaient des soulèvements planétaires.

— Tu y penses donc aussi, s’exclama-t-il avec exaltation… Ne le dis à personne ! Tu les offenserais jusqu’au fond de l’âme !

— Je ne pouvais le dire qu’à toi.

De toutes parts surgissaient des bandes blanches d’oiseaux : ceux qui avaient rejoint Targ et Arva piétaient avec impatience. Le jeune homme leur parlait, en employant une syntaxe particulière. Car, à mesure que se développait leur intelligence, les oiseaux s’étaient initiés au langage, – un langage qui n’admettait que des termes concrets et des phrases-images.

Leur notion de l’avenir demeurait obscure et courte, leur prévoyance instinctive. Depuis que l’homme ne se servait plus d’eux comme nourriture, ils vivaient heureux, incapables de concevoir leur propre mort et plus encore la fin de leur espèce.

L’oasis en élevait douze cents environ, dont la présence était d’une vive douceur et fort utile. L’homme, n’ayant pu regagner l’instinct, perdu pendant les ères de sa puissance, la condition actuelle du milieu le mettait aux prises avec des phénomènes que ne pouvaient guère signaler les appareils, si délicats pourtant, hérités des ancêtres,