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LA MORT DE LA TERRE

tiques ; une dégradation deux cent fois millénaire avait tari l’énergie évolutive. Seuls les oiseaux et les plantes résistaient. Celles-ci reprirent quelques formes ancestrales ; ceux-là s’adaptèrent au milieu : beaucoup redevenant sauvages, construisirent leurs aires à des hauteurs où l’homme pouvait d’autant moins les poursuivre que la raréfaction de l’air, quoique bien moindre, accompagnait celle de l’eau. Ils vécurent de déprédations et déployèrent une ruse si raffinée qu’on ne put les empêcher de se maintenir. Quant à ceux qui demeuraient parmi nos ancêtres, leur sort fut d’abord épouvantable. On tenta de les avilir à l’état de bêtes comestibles. Mais leur conscience était devenue trop lucide ; ils luttèrent affreusement pour échapper à leur sort. Il y eut des scènes aussi hideuses que ces épisodes des temps primitifs où l’homme mangeait l’homme, où des peuples entiers étaient réduits en servitude. L’horreur pénétra les âmes, peu à peu on cessa de brutaliser les compagnons de planète et de s’en repaître.

D’ailleurs, les phénomènes sismiques continuaient à remanier les terres et à détruire les villes. Après trente mille ans de lutte, nos ancêtres comprirent que le minéral, vaincu pendant des millions d’années par la plante et la bête, prenait une revanche définitive. Il y eut une période de désespoir qui ramena la population à trois cents millions d’hommes tandis que les mers se rédui-