Page:Rosny aîné - La Mort de la Terre - Contes, Plon, 1912.djvu/77

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enveloppé d’une foule frémissante, qui mettait en lui sa confiance. Ses os se glacèrent, lorsqu’il entendit Manô lui dire :

— Les eaux ont baissé.

Toutes les voix confirmaient la triste nouvelle. Il questionna Rem, le premier chef des Eaux, qui répondit :

— Le niveau a été vérifié au bord de la nappe même. La baisse est de six mètres.

Entre tous, le visage de Rem était immobile. La joie, la tristesse, la crainte, le désir, n’apparaissaient jamais sur ses lèvres froides ni dans ses yeux pareils à deux fragments de bronze, et dont on voyait à peine la sclérotique. Sa science professionnelle était parfaite : il possédait toute la tradition des capteurs de sources.

— La nappe n’est pas immuable, remarqua Targ.

— C’est exact ! Mais les écarts normaux ne dépassent jamais deux mètres et jamais ces écarts ne furent brusques…

— Savez-vous avec certitude s’ils le sont maintenant ?

— Oui. Les enregistreurs ont été vérifiés : leur marche est normale. Ils ne décelaient rien encore ce matin. C’est vers le milieu du jour que la baisse a commencé. Elle a donc atteint plus d’un mètre cinquante à l’heure…

Son œil minéral demeurait fixe ; sa main n’avait pas un geste ; l’on voyait à peine remuer ses lèvres. Les yeux de Targ palpitaient comme son cœur.