Page:Rostand - Cyrano de Bergerac.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est qu’il est un objet, chez nous, dont on ne cause
Pas plus que de cordon dans l’hôtel d’un pendu !

Christian.

Qu’est-ce ?

Un autre cadet, d’une voix terrible.

Qu’est-ce ?Regardez-moi !

(Il pose trois fois, mystérieusement, son doigt sur son nez.)

Qu’est-ce ?Regardez-moi !M’avez-vous entendu ?

Christian.

Ah ! c’est le…

Un autre.

Ah ! c’est le…Chut !… jamais ce mot ne se profère !

(Il montre Cyrano qui cause au fond avec Le Bret.)

Ou c’est à lui, là-bas, que l’on aurait affaire !

Un autre, qui, pendant qu’il était tourné vers les premiers, est venu sans bruit s’asseoir sur la table, dans son dos.

Deux nasillards par lui furent exterminés
Parce qu’il lui déplut qu’ils parlassent du nez !

Un autre, d’une voix caverneuse, — surgissant de sous la table où il s’est glissé à quatre pattes.

On ne peut faire, sans défuncter avant l’âge,
La moindre allusion au fatal cartilage !

Un autre, lui posant la main sur l’épaule.

Un mot suffit ! Que dis-je, un mot ? Un geste, un seul !
Et tirer son mouchoir, c’est tirer son linceul !

(Silence. Tous autour de lui, les bras croisés, le regardent. Il se lève et va à Carbon de Castel-Jaloux qui, causant avec un officier, a l’air de ne rien voir.)

Christian.

Capitaine !

Carbon, se retournant et le toisant.

Capitaine !Monsieur ?

Christian.

Capitaine !Monsieur ?Que fait-on quand on trouve
Des méridionaux trop vantards ?…

Carbon.

Des méridionaux trop vantards ?…On leur prouve
Qu’on peut être du Nord et courageux.

(Il lui tourne le dos.)