Page:Rostand - Discours de réception, 1903.djvu/34

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leurs inexacte, aura prononcé avec une sauvagerie bien imitée :

Ô vainqueurs ! prenez garde aux enfants des martyrs !


parce que, superbe et vêtu de mailles luisantes, un autre aura proclamé dans un rugissement harmonieux :

Mais le sort différent laisse l’honneur égal !


parce que, hors d’elle-même et drapée à ravir, une tragédienne aura martelé rageusement :

Le vengeur va venir ! je le sais ! je l’attends !


parce qu’un empereur de théâtre, secouant une fausse barbe griffaigne, se sera écrié :

Terre du dévoûment, de l’honneur, de la foi,
Il ne faut donc jamais désespérer de toi,
Puisque, malgré tes jours de deuil et de misère,
Tu trouves un héros dès qu’il est nécessaire !


il aura semblé à la France qu’elle commençait de se relever ?… Parfaitement. Et la France ne se sera pas trompée. Il y a des paroles qui, prononcées devant des hommes réunis, ont la vertu d’une prière ; il y a des frissons éprouvés en commun qui équivalent à une victoire ; et c’est pourquoi le vent qui sort du gouffre lumineux et bleuâtre de la scène peut aller faire claquer les drapeaux ! Le théâtre a dans son histoire cette journée de soleil et de folie où les Athéniens, après une représentation des Perses, se ruent vers les temples et