Page:Rostand - Discours de réception, 1903.djvu/39

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c’est le « Roman d’une Candidature ». Tout y est, depuis les soupirs, les aveux — les trente-neuf premiers aveux ! — jusqu’au jour de l’attente chez le Secrétaire Perpétuel. J’ai dit que Bornier pouvait, dans la vie, avoir du panache : il en eut ce jour-là. Pendant que vous votiez, messieurs, il eut l’élégance de se forcer à lire Homère. Il fit mieux : il s’endormit. Et pour lui apprendre sur quels lauriers, il fallut le secouer fortement. Sa joie fut belle. Dans une lettre datée du Mas de Bornier, il la résume en ce cri qui me semble la formule lapidaire du bonheur parfait : « C’est un académicien qui se promène sous mes platanes ! » Sous ses platanes, en effet, le hasard d’une distribution de prix à présider lui permit, je crois, de se promener, un jour, en académicien. Alors, tandis qu’il marchait, fier de sentir battre à son côté, un innocent diminutif de Durandal, il put se réciter les graves alexandrins que son père, peu confiant en sa poésie, lui dédiait jadis :

 … Apprenez votre Code ;
Suivez les cours et non les drames à la mode ;
En jouant en chemin vous manqueriez le but :
On arrive au Parquet plus tôt qu’à l’institut.

Je voulais sourire, je ne peux pas. Vous me pardonnerez de m’être tout d’un coup souvenu avec émotion du bonheur de certains fils qui n’ont pas inspiré de doutes à leurs pères, et qui ont vu ceux-ci, loin de les détourner de l’Institut, prendre la peine de leur en montrer, eux-mêmes, le chemin.

Bornier fut, lui aussi, un père admirable. Ses écrits en témoignent par leur pureté. Dès qu’il se fut penché