Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/25

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vanter des qualités qu’il sent en lui, mais que tout le monde refuse d’y voir ? Il y auroit moins d’orgueil que de bassesse à prostituer ainsi la vérité. Se louer alors, même avec la plus rigoureuse justice, seroit plutôt se dégrader que s’honorer, & ce seroit bien mal connoitre les hommes que de croire les ramener d’une erreur dans laquelle ils se complaisent, par de telles protestations. Un silence fier & dédaigneux est en pareil cas plus à sa place, & eût été bien plus de mon goût : mais il n’auroit pas rempli mon objet, & pour le remplir il faloit nécessairement que je disse de quel œil, si j’étois un autre, je verrois un homme tel que je suis. J’ai taché de

m’acquitter équitablement & impartialement d’un si difficile devoir, sans insulter à l’incroyable aveuglement du public, sans me vanter fiérement des vertus qu’il me refuse, sans m’accuser non plus des vices que je n’ai & dont il lui plaît de me charger, mais en expliquant simplement ce que j’aurois déduit d’une constitution semblable à la mienne étudiée avec soin dans un autre homme. Que si l’on trouvé dans mes descriptions de la retenue & modération, qu’on n’aille pas m’en faire un mérite. Je déclare qu’il ne m’a manqué qu’un peu plus de modestie pour parler de moi beaucoup plus honorablement.

Voyant l’excessive longueur de ces Dialogues, j’ai tenté plusieurs fois de les élaguer, d’en ôter les fréquentes répétitions, d’y mettre un peu d’ordre & de suite ; jamais je n’ai pu soutenir ce nouveau tourment. Le vis sentiment de mes malheurs ranimé par cette lecture étouffe toute l’attention qu’elle exige.