Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/49

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un prodige de l’Art universellement admire, il ne s’ensuit pas ; selon moi, qu’il n’a pu faire un livre peu lu peu entendu, & encore moins estime.

Rousseau.

Dans les choses dont je peux juger par moi-même, je ne prendrai jamais pour regles de jugemens ceux du public, & sûr-tout quand il s’engoue, comme il a fait tout-d’un-coup pour le Devin du Village après l’avoir entendu pendant vingt ans avec un plaisir plus modère. Cet engouement subit, quelle qu’en ait été la cause au moment ou le soi-disant Auteur étoit l’objet de la dérision publique, n’a rien eu d’assez naturel pour faire autorité chez les gens sensés. Je vous ai dit ce que le pensois du Dictionnaire, & cela, non pas sûr l’opinion publique, ni sûr ce célébré qui article Génie, qui n’ayant nulle application particuliere à l’Art n’est la que pour la plaisanterie ; mais après avoir lu attentivement l’ouvrage entier, dont la plupart des articles seront faire de meilleure musique quand les Artistes en sauront profiter.

Quant au Devin, quoique je sois bien sûr que personne ne sent mieux que moi les véritables beautés de cet ouvrage, je suis sort éloigne de voir ces beautés ou le public engoue les place. Ce ne font point de celles que l’étude & le savoir produisent, mais de celles qu’inspirent le goût &. la sensibilité ; & l’on prouveroit beaucoup mieux qu’un savant Compositeur n’a point fait cette piece si la partie du beau, chant & de l’invention lui manque, qu’on ne prouveroit qu’un ignorant ne l’a pu faire parce qu’il n’a pas cet acquis qui supplée