Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/56

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source dans les erreurs dans les préjugés des hommes, à leur tracer la route du vrai bonheur, à leur apprendre à rentrer dans leurs propres cœurs pour y retrouver le germe des vertus sociales qu’ils étouffent sous un faux simulacre dans le progrès mal entendu des sociétés, à consulter toujours leur conscience pour redresser les erreurs de leur raison, & à écouter dans le silence des passions cette voix intérieure que tous nos philosophes ont tant à cœur d’étouffer, & qu’ils traitent de chimère parce qu’elle ne leur dit plus rien : il s’est fait siffler d’eux & de tout son siecle pour avoir toujours soutenu que l’homme étoit bon quoique les hommes fussent mechans, que ses vertus lui venoient de lui-même, que ses vices lui venoient d’ailleurs : il a consacre son plus grand & meilleur ouvrage à montrer comment s’introduisent dans notre ame les passions nuisibles, à montrer que la bonne éducation doit être purement négative, qu’elle doit consister, non à guérir les vices du cœur humain, puisqu’il n’y en a point naturellement, mais à les empêcher de naître, & à tenir exactement fermées les portes par lesquelles ils s’introduisent : enfin, il a établi tout cela avec une clarté si lumineuse avec un charme si touchant avec une vérité si persuasive qu’une ame non dépravée ne peut résister à l’attrait de ses images & à la forcé de ses raisons ; & vous voulez que cette longue suite d’écrits ou respirent toujours les mêmes maximes, ou le même langage se soutient toujours avec la même chaleur soit l’ouvrage d’un fourbe qui parle toujours, non-seulement contre sa pensée, mais aussi contre son intérêt, puisque mettant tout son bonheur à remplir le monde de malheurs & de crimes, il devoit conséquemment chercher à