Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/285

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être bien voulu & caressé ! Il me semble que je ne suis plus malheureux quand on m’aime : la bienveillance est douce à mon cœur, elle me dédommage de tout. Cher M***, un tems viendra peut-être que je pourrai vous presser contre mon sein, & cet espoir me fait encore aimer la vie.

LETTRE À M. DE GINGINS DE MOIRY.

Yverdun le 22 Juin 1762.

MONSIEUR,

Vous verrez par la lettre ci-jointe que je viens d’être décrété à Geneve de prise de corps. Celle que j’ai l’honneur de vous écrire n’a point pour objet ma sureté personnelle ; au contraire, je sais que mon devoir est de me rendre dans les prisons de Geneve puisqu’on m’y a jugé coupable, & c’est certainement ce que je ferai sitôt que je serai assuré que ma présence ne causera aucun trouble dans ma patrie. Je sais d’ailleurs que j’ai le bonheur de vivre sous les loix d’un Souverain équitable & éclairé qui ne se gouverne point par les idées d’autrui, qui peut & qui veut protéger l’innocence opprimée. Mais, Monsieur, il ne me suffit pas dans mes malheurs de la protection même du Souverain, si je ne suis encore honoré de son estime, & s’il ne me voit de bon œil chercher un asyle dans ses Etats. C’est sur ce point, Monsieur, que j’ose implorer vos bontés, & vous supplier de vouloir bien faire au souverain Sénat un rapport