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LETTRE À MRS. DE LUC.

24 Février 1765.

J’apprends, Messieurs, que vous êtes en peine des lettres que vous m’avez écrites. Je les ai toutes reçues jusqu’à celle du 15 Février inclusivement. Je regarde votre situation comme décidée. Vous êtes trop gens de bien pour pousser les choses à l’extrême, & ne pas préférer la paix à la liberté. Un peuple celle d’être libre quand les loix ont perdu leur force : mais la vertu ne perd jamais la sienne, & l’homme vertueux demeure libre toujours. Voilà désormais, Messieurs, votre ressource ; elle est assez grande, assez belle, pour vous consoler de tout ce que vous perdez comme Citoyens.

Pour moi je prends le seul parti qui me reste, & je le prends irrévocablement. Puisqu’avec des intentions aussi pures, puisqu’avec tant d’amour pour la justice & pour la vérité, je n’ai fait que du mal sur la terre, je n’en veux plus faire, & je me retire au-dedans de moi. Je ne veux plus entendre parler de Geneve ni de ce qui s’y passe. Ici finit notre correspondance. Je vous aimerai toute ma vie, niais je ne vous écrirai plus. Embrassez pour moi votre pere. Je vous embrasse, Messieurs, de tout mon cœur.