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LETTRE À M. D’IVERNOIS.

Motiers, le 8 Avril 1765.

Bien arrivé, mon cher Monsieur ; ma joie est grande, mais elle n’est pas complette, puisque vous n’avez pas passé par ici. Il est vrai que vous y auriez trouvé une fermentation désagréable à votre amitié pour moi. J’espere quand vous viendrez que vous trouverez tout pacifié. La chance commence à tourner extrêmement. Le Roi s’est si hautement déclaré, Mylord Maréchal a si vivement écrit, les gens en crédit ont pris mon parti si chaudement, que le Conseil d’Etat s’est unanimement déclaré pour moi, & m’a, par un arrêt, exempté de la jurisdiction du Consistoire, & assuré la protection du Gouvernement. Les Ministres sont généralement hués ; l’homme à qui vous avez écrit est consterné & furieux ; il ne lui reste plus d’autre ressource que d’ameuter la canaille, ce qu’il a fait jusqu’ici avec allez de succès. Un des plus plaisans bruits qu’il fait courir, est que j’ai dit dans mon dernier livre que les femmes n’avoient point d’ame ; ce qui les met dans une telle fureur par tout le Val-de-Travers que, pour être honoré du sort d’Orphée, je n’ai qu’à sortir de chez moi. C’est tout le contraire à Neufchâtel, où toutes les Dames sont déclarées en ma faveur. Le sexe dévot y traîne les Ministres dans les boues. Une des plus aimables, disoit il y a quelques jours, en pleine