Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/50

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odieux avec la pauvreté d’un grand nombre d’hommes, & qu’elle répand de proche en proche une émulation de luxe ruineuse, & dont les mœurs ont beaucoup à souffrir par le prix qu’elle attache aux choses superflues, & par le vis aiguillon dont elle presse la cupidité ; je ne puis dissimuler enfin que la recherche de certains agrémens prétendus, l’excès de la dissipation, de la frivolité & de l’amour du plaisir, ne nuisent infiniment aux talens & arc vertus.

Après ces aveux, j’observerai que cette corruption est du genre le plus excusable, puisqu’elle n’attaque ni la paix, ni le gouvernement, ni la liberté, ni la possession de tous les biens naturels, & qu’elle permet à chacun d’acquérir, de jouir, & d’être vertueux, sans être troublé par la violence & l’injustice.

Telle qu’elle est cependant, si elle avoir infecté la masse entiere de la nation, peut-être les hyperboles de nos adversaires commenceroient à avoir quelque fondement ; mais si ce ne sont là que les mœurs de quelques quartiers de la capitale, mépriserons-nous tout le reste de l’Etat qui n’y participe point ? Ne daignerons-nous voir dans la société actuelle qu’un composé de Cuisiniers, de Poëtes, d’Imprimeurs, d ’Orfévres, de Peintres & de Musiciens ? Et oublierons-nous, comme on affecte de le faire, le travail assidu du laboureur & de l’artisan, l’industrie & la bonne foi du commerce, la modération du citoyen dans sa médiocrité, l’intégrité & l’application du corps de la Magistrature, les vertus enfin & le zele de tant de ministres ecclésiastiques, auxquels l’antiquité n’a rien de semblable à opposer ? N’est-ce donc plus dans ces états divers que l’on doit chercher les mœurs d’un peuple ? Quelques gens de