Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/80

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meilleur des freres. La Choillot t’est-elle plus chére ? As-tu plus de raison de la regretter ?

Reviens, ma chére, elle n’a plus besoin de toi. Hélas ! tandis que tu perds ton tems en regrets superflus, comment ne crains-tu point de t’en attirer d’autres ? comment ne crains-tu point, toi qui connois l’état de mon cœur, d’abandonner ton amie à des périls que ta présence auroit prévenus ? Oh ! qu’il s’est passé de choses depuis ton départ ! Tu frémiras en apprenant quels dangers j’ai courus par mon imprudence. J’espere en être délivrée : mais je me vois, pour ainsi dire, à la discrétion d’autrui : c’est à toi de me rendre à moi-même. Hâte-toi donc de revenir. Je n’ai rien dit tant que tes soins étoient utiles à ta pauvre Bonne ; j’eusse été la premiere à t’exhorter à les lui rendre. Depuis qu’elle n’est plus, c’est à sa famille que tu les dois : nous les remplirons mieux ici de concert que tu ne ferois seule à la campagne, & tu t’acquitteras des devoirs de la reconnoissance sans rien ôter à ceux de l’amitié.

Depuis le départ de mon Pere nous avons repris notre ancienne maniere de vivre, & ma mere me quitte moins ; mais c’est par habitude plus que par défiance. Ses sociétés lui prennent encore bien des momens qu’elle ne veut pas dérober à mes petites études, & Babi remplit alors sa place assez négligemment. Quoique je trouve à cette bonne mere beaucoup trop de sécurité, je ne puis me résoudre à l’en avertir ; je voudrois bien pourvoir à ma sûreté sans perdre son estime, & c’est toi seule qui peux concilier tout cela. Reviens, ma Claire, reviens sans tarder. j’ai regret aux