Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/21

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tant sur les champs par longues ombres les arbres, les coteaux, les maisons, enrichissoient de mille accidents de lumière le plus beau tableau dont l’œil humain puisse être frappé. On eût dit que la nature étaloit à nos yeux toute sa magnificence pour en offrir le texte à nos entretiens. Ce fut là qu’après avoir quelque tems contemplé ces objets en silence, l’homme de paix me parla ainsi. "

PROFESSION DE FOI DU VICAIRE SAVOYARD

Mon enfant, n’attendez de moi ni des discours savants ni de profonds raisonnements. Je ne suis pas un grand philosophe, & je me soucie peu de l’être. Mais j’ai quelquefois du bon sens, & j’aime toujours la vérité. je ne veux pas argumenter avec vous, ni même tenter de vous convaincre ; il me suffit de vous exposer ce que je pense dans la simplicité de mon cœur. Consultez le vôtre durant mon discours ; c’est tout’ce que je vous demande. Si je me trompe, c’est de bonne foi ; cela suffit pour que mon erreur ne me soit point imputée à crime : quand vous vous tromperiez de même, il y auroit peu de mal à cela. Si je pense bien, la raison nous est commune, & nous avons le même intérêt à l’écouter ; pourquoi ne penseriez-vous pas comme moi ?

Je suis né pauvre & paysan, destiné par mon état à cultiver la terre ; mais on crut plus beau que j’apprisse à gagner