Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t5.djvu/50

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ni figure qui produise la réflexion : quelque chose en toi cherche à briser les liens qui le compriment ; l’espace n’est pas ta mesure, l’univers entier n’est pas assez grand pour toi : tes sentiments, tes désirs, ton inquiétude, ton orgueil même, ont un autre principe que ce corps étroit dans lequel tu te sens enchaîné.

Nul être matériel n’est actif par lui-même, & moi. je le suis. On a beau me disputer cela, je le sens, & ce sentiment qui me parle est plus fort que la raison qui le combat. J’ai un corps sur lequel les autres agissent & qui agit sur eux ; cette action réciproque n’est pas douteuse ; mais ma volonté est indépendante de mes sens ; je consens ou le résiste, je succombe ou je suis vainqueur, & je sens parfaitement en moi-même quand je fais ce que j’ai voulu faire, ou quand le ne fais que céder à mes passions. J’ai toujours la puissance de vouloir, non la force d’exécuter. Quand je me livre aux tentations, j’agis selon l’impulsion des objets externes. Quand je me reproche cette faiblesse, je n’écoute que ma volonté ; je suis esclave par mes vices, & libre par mes remords ; le sentiment de ma liberté ne s’efface en moi que quand je me déprave, & que j’empêche enfin la voix e l’âme de s’élever contre la loi du corps.

Je ne connois la volonté que par le sentiment de la mienne, & l’entendement ne m’est pas mieux connu. Quand on me demande quelle est la cause qui détermine ma volonté, je demande à mon tour quelle est la cause qui détermine mon jugement : car il est clair que ces deux causes n’en une ; font qu’une : & si l’on comprend bien que l’homme est actif