Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/225

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brillassent à six ans, elle s’embarrassoit fort peu qu’ils fussent des sots à trente. La Fée eut beau s’efforcer de mettre leurs Majestés d’accord ; bient ôt le caractère des nouveau-nés ne fut plus que le prétexte de la dispute, & il n’étoit pas question d’avoir raison, mais de se mettre l’un l’autre à la raison.

Enfin Discrète imagina un moyen de tout ajuster, sans donner le tort à personne, ce fut que chacun disposât à son gré de l’enfant de son sexe. Le Roi approuva un expédient qui pourvoyoit à l’essentiel, en mettant à couvert des bizarres souhaits de la Reine, l’héritier présomptif de la couronne, & voyant les deux enfants sur les genoux de leur gouvernante, il se hâta de s’emparer du Prince, non sans regarder sa sœur d’un œil de commisération. Mais Fantasque, d’autant plus mutinée qu’elle avoit moins raison de l’être, courut comme une emportée à la jeune Princesse, & la prenant aussi dans ses bras : vous vous unissez tous, dit-elle, pour m’excéder, mais afin que les caprices du Roi tournent malgré lui-même au profit d’un de ses enfans, je déclare que je demande pour celui que je tiens, tout le contraire de ce qu’il demandera pour l’autre. Choisissez maintenant, dit-elle au Roi d’un air de triomphe, & puisque vous trouvez tant de charmes à tout diriger, décidez d’un seul mot le sort de votre famille entière. La Fée & le Roi tâchèrent en vain de la dissuader d’une résolution qui mettoit ce Prince dans un étrange embarras ; elle n’en voulut jamais démordre, & dit qu’elle se félicitoit beaucoup d’un expédient qui feroit rejaillir sur sa fille tout le mérite que le Roi ne sauroit pas donner à son fils. Ah ! dit ce Prince