Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/115

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LIVRE PREMIER


Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sûre[1], en prenant les hommes tels qu’ils sont et les lois telles qu’elles peuvent être[2]. Je tâcherai

  1. Ces mots ne donnent pas une idée très exacte de l’objet de l’ouvrage. Par ordre civil, Rousseau entend l’organisation générale de la société, et non les relations de particulier à particulier que considère aujourd’hui notre « droit civil ». Il veut étudier les principes constitutifs de toute société ; cela se rapporterait plutôt à ce que nous nommons aujourd’hui « droit public ».
  2. Cette formule très importante marque bien le but poursuivi par Rousseau et distingue nettement le Contrat social de l’Esprit des Lois de Montesquieu. Celui-ci avait voulu dégager la philosophie des lois réelles et « du droit positif des gouvernements établis », comme le remarque Rousseau lui-même, dans l’Émile (liv. V). Il avait donc dû prendre les lois telles qu’elles sont et chercher comment les hommes pouvaient s’y accommoder. Au contraire, Rousseau veut traiter des « principes du droit politique », d’une façon abstraite et générale, cherchant ce que les lois peuvent être et, par conséquent, doivent être pour convenir à la nature de l’homme et aux conditions de toute société. C’est donc de la connaissance de l’homme, tel qu’il est, que Rousseau va déduire les principes généraux d’une constitution politique rationnelle : il s’appuie sur la morale et la logique, non sur l’histoire ou la jurisprudence. « … Je cherche le droit et la raison, et ne dispute pas des faits. » (Ms. de Genève, I, v).