Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/188

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1^8 DU CONTRAT SOCIAL

leur interprète. La grande âme du législateur est le seul miracle qui doit prouver sa mission. Tout homme peut graver des tables de pierre, ou acheter un oracle, ou feindre un secret commerce avec quel- que divinité, ou dresser un oiseau pour lui parler à l'oreille, ou trouver d'autres moyens grossiers d'en imposer au peuple (*). Celui qui ne saura que cela pourra même assembler par hasard une troupe d'insensés ; mais il ne fondera jamais un empire, et son extravagant ouvrage périra bientôt avec lui. De vains prestiges forment un lien passager ; il n'y a que la sagesse qui le rende durable. La loi judaïque, toujours subsistante, celle de l'enfant d'Ismaël ( 2 ) qui, depuis dix siècles, régit la moitié du monde, annoncent encore aujourd'hui les grands hommes qui les ont dictées ; et tandis que l'orgueilleuse philosophie ou l'aveugle esprit de parti ne voit en eux que d'heureux imposteurs ( 3 ), le vrai politi- que admire dans leurs institutions ce grand et puis- sant génie qui préside aux établissements durables . Il ne faut pas, de tout ceci, conclure avec War- burton ( 4 ) que la politique et la religion aient parmi nous un objet commun, mais que, dans l'ori- gine des nations, h'une sert d'instrument à l'autre.

��( 1 ) Allusion aux prodiges invoqués par les législateurs antiques, Moïse, Numa, etc. •

( 2 ) Mahomet ; les Arabes étaient considérés comme des- cendants des Ismaélites.

( 3 ) Cette critique est dirigée contre Voltaire et les Ency- clopédistes : Voltaire, dans sa pièce de Mahomet, traite constamment celui-ci d'imposteur.

I 4 ) Warburton, évèque de Gloucester, 1 698-1 770, auteur d'ouvrages théologîques et d'un traité sur V Alliance de l'Église avec l'État (1736).

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