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saires ; il corrompt à la fois le riche et le pauvre, l'un par la possession, l'autre par la convoitise ; il vend la patrie à la mollesse, à la vanité ; il ôte à l'État tous ses citoyens pour les asservir les uns aux autres, et tous à l'opinion ( 1 ).

Voilà pourquoi un auteur célèbre ( 2 ) a donné la vertu pour principe à la république, car toutes ces conditions ne sauraient subsister sans la vertu ; mais, faute d'avoir fait les distinctions nécessaires, ce beau génie a manqué souvent de justesse, quel- quefois de clarté, et n'a pas vu que, l'autorité sou- veraine étant partout la même, le même principe doit avoir lieu dans tout Etat bien constitué ( 3 ), plus ou moins, il est vrai, selon la forme du gouverne- ment.

Ajoutons qu'il n'y a pas de gouvernement si sujet aux guerres civiles et aux agitations intestines que le démocratique ou populaire, parce qu'il n'y en a aucun qui tende si fortement et si continuellement à changer de forme, ni qui demande plus de vigilance et de courage pour être maintenu dans la sienne. C'est surtout dans cette constitution que le citoyen doit s'armer de force et de constance, et dire chaque jour de sa vie, au fond de son cœur, ce que disait un

(') Rousseau exprime ici, sous une forme beaucoup plus brève, les mêmes idées que Montesquieu, Espr. des L., VII, i.

( 2 ) Montesquieu, Espr. des L., III, m.

( 3 ) Pour Rousseau, en effet, tout État* légitime est républi- cain (voir II, vi) : il faudra donc de la vertu dans tous les gouvernements, mais « plus ou moins ». Il accepte donc, avec quelques changements, la belle et profonde théorie de Montesquieu.

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