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26o DU CONTRAT SOCIAL.

mot d'esclave ; il est inconnu dans la cité ( 1 ). Dans un pays vraiment libre, les citoyens font tout avec leurs bras, et rien avec de l'argent ; loin de payer pour s'exempter de leurs devoirs, ils payeraient pour les remplir eux-mêmes. Je suis bien loin des idées communes: je crois les corvées moins contraires à la liberté que les taxes ( 2 ).

Mieux l'État est constitué, plus les affaires publi- ques l'emportent sur les privées dans l'esprit des citoyens. Il y a même beaucoup moins d'affaires privées, parce que la somme du bonheur commun fournissant une portion plus considérable à celui de chaque individu, il lui en reste moins à chercher dans les soins particuliers ( 3 ). Dans une cité bien conduite, chacun vole aux assemblées ; sous un mauvais gouvernement, nul n'aime à faire un pas

( x ) Rousseau unit ici le dédain de la civilisation qu'a- vaient proclamé ses premiers ouvrages à l'amour de la liberté qui est l'âme du Contrat social, et il sacrifie délibé- rément à la pureté de l'Etat toutes les conditions du progrès matériel, scientifique, artistique, etc. — Cf. Proj. de Constit. pour la Corse : « Je regarde les finances comme la graisse du corps politique qui. . . le rend plus lourd que fort. Je veux nourrir l'État d'un aliment plus salutaire...» « Ce qui rend le plus pernicieux un système de finances, c'est le financier. . . il ne faut pas de publicains dans l'Etat » (ouv. cit., pp. ioo et io4).

( 2 ) Sous l'Ancien Régime, les corvées (dont les presta- tions en nature d'aujourd'hui sont un dernier vestige) étaient devenues plus impopulaires encore que « la taille » ou les impôts. Au xviii" siècle, on criait sans cesse « A bas la corvée ! ».

( 3 ) Dans l'État idéal de Rousseau, il doit y avoir le moins possible de commerce, extérieur ou intérieur, pas ou peu d'argent monnayé. Cf. Proj. de Const. pour la Corse, passim.

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