Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/38

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28 INTRODUCTION

pas seulement la volonté de tous ( 1 ). Elle s'en distingue par un caractère essentiel : elle doit être générale, non seulement par son sujet, mais aussi par son objet ; elle doit provenir de tous, mais s'appliquer à tous, ou, en termes plus précis, elle ne peut viser qu'à l'intérêt commun et décider que des mesures générales. C'est là une condition absolument nécessaire de l'existence d'un Etat légitime. En effet, la volonté de tous ne saurait créer une loi obligatoire, si chacun n'a songé qu'à ses intérêts particuliers et n'a été consulté que sur une question spéciale. Selon le mot de d'Argenson, que cite à ce propos Rousseau ( 2 ), « chaque intérêt (particulier) a des principes différents » ; Pierre veut ceci pour telle ou telle raison et Paul cela pour telle autre ; de tels avis, n'ayant ni le même objet, ni le même principe, sont rigoureusement incommensurables; on ne peut, de cet amas d'opinions diverses fondées sur des intérêts divers, dégager une volonté générale, et « la volonté de tous. ..n'est qu'une somme de volontés particulières ( 3 / ). » — Pour que la volonté générale puisse être connue et s'impose à notre respect, il faut que la question posée à tous ait été une question d'intérêt commun et que chacun se soit proposé de décider au mieux de l'inté- rêt commun. « Ce qui généralise la volonté est moins le nombre des voix que l'intérêt commun qui les unit (*), » A cette condition seulement, les volontés particulières seront comparables et se laisseront totaliser; comme elles s'inspireront toutes du même principe,, il n'y aura qu'à compter les voix pour et contre telle ou telle décision, pour connaître la volonté générale. A cette

(*) Gif., II, m.

( 2 ) lbid.

( 3 ) lbid. Ce difficile passage a été très bien expliqué par Haymann, «/.-/. Rousseau's Sozialphilosophie (Leipzig, 1898), p. 166 et suiv.

(♦) C. s., II, iv.

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