Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/40

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3o INTRODUCTION

chaîne inutile à la communauté (*) ». La liberté des individus a pour garantie dernière l'égalité de tous devant la loi. « Par quelque côté qu'on remonte au principe, on arrive toujours à la même conclusion, savoir : que le pacte établit entre tous les citoyens une telle égalité, qu'ils s'engagent tous sous les mêmes con- ditions et doivent jouir des mêmes droits. Ainsi, par la nature du pacte, tout acte de souveraineté, c'est-à-dire tout acte authentique de la volonté générale, oblige ou favorise également tous les citoyens, en sorte que le souverain connaît seulement le corps de la nation et ne distingue aucun de ceux qui la composent ( 2 ). »

Ainsi le pouvoir souverain se trouve nécessairement limité par lui-même, ou plutôt par la raison. En un sens, il est tout puissant, car« il n'y a ni ne peut y avoir nulle espèce de loi fondamentale obligatoire pour le corps du peuple, pas même le contrat social ( 3 ) » : et cela résulte en effet de la nature des choses et du droit natu- rel; aucune puissance extérieure, aucune convention ne peut enchaîner à jamais la volonté du peuple souve- rain sans détruire sa liberté. Mais cette souveraineté même du peuple a pour raison d'être l'intérêt commun. Il y a donc une impossibilité, non seulement morale, mais logique, à ce que le peuple exerce sa souveraineté en dehors de l'intérêt commun : ce serait une conduite inexplicable, qui lui est interdite par la raison. Le sou- verain peut tout ce qu'il veut, mais il ne peut vouloir, sans absurdité, que ce qu'il croit conforme à son intérêt et par suite au bien de tous. Et, quant au citoyen, l'éga- lité de tous dans le vote de la loi, l'égalité de tous dans l'obéissance à la loi, lui garantissent qu'il ne lui sera imposé d'autres contraintes que celles qui apparaîtront à la majorité comme indispensables au bien de tous, et

(') C. s, II, IV.

( 2 ) lbid.

( 3 ) C. s., I, vu.

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