Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/49

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INTRODUCTION 39

��Toute cette seconde partie nie paraît mériter plu- sieurs graves critiques (')•

D'abord, la méthode en est presque uniquement déductive et a priori : c'est par le seul raisonnement que Rousseau prétend tirer des principes les moyens de les appliquer. 11 ne prend dans la réalité, dans les insti- tutions de Genève ou dans l'histoire de la Grèce et de Rome, que des exemples pour justifier des thèses qui n'en sont pas vraiment tirées ( 2 ). Or, il y a là de quoi nous inquiéter sur leur valeur pratique, caria méthode a priori, seule possible et seule légitime pour déterminer des fins, est nécessairement impuissante pour déterminer des moyens ( 3 ). La complexité des faits sociaux ne permet pas d'établir par le seul raisonnement quels sont les moyens les meilleurs de réaliser un idéal donné : l'expérience en doit surtout décider. Dans cette partie de son œuvre, Rousseau a mérité le reproche que Tocqueville ( 4 ) et Taine ( 5 ) — on sait avec quelle exagération — ont adressé à toute l'œuvre politique du xvm e siècle : laute de s'appuyer sur les laits, il ne nous expose souvent que des abstractions artificielles, com- pliquées et fragiles.

Rousseau se laisse ici guider par une idée dange- reuse et très contestable des conditions économiques, morales et religieuses qu'il croit nécessaires à la liberté. — Au point de vue économique d'abord, Rousseau a

^ (*) Bien entendu, je ne parle encore ici que des idées mai- tresses ; on y trouvera plus d'une vue ingénieuse ou profonde.

( 2 ) Cela a été très contesté ; j'essaierai de le démontrer dans le chapitre suivant.

( 3 ) Cf. Henry Michel, Vidée de l'État, passage cité plus haut, p. 11.

( 4 ) Tocqueville, l'Ancien régime et ta Révolution^ p. 20o et suiv.

( 5 ) Taine, Les Origines de la France, t. I, l'Ancien régime, pp. 289-301.

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