Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/61

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INTRODUCTION 5l

le souverain d'exercer sa puissance et d'assurer l'appli- cation impartiale de la loi ; il peut être avantageux de remettre en des mains distinctes telles fonctions execu- tives ou judiciaires; c'est ce que reconnaissait et procla- mait Rousseau lui-même (*). Mais ce n'est là qu'un moyen, non un principe. Ces pouvoirs divisés ne peuvent être que des émanations du véritable souverain, et le pou- voir législatif tout au moins appartient au peuple tout entier. Il n'est donc pas plus possible d'éliminer que de limiter la souveraineté.

Quelque hypothèse que nous examinions, nous retrouvons donc toujours la même conclusion, à savoir qu'en proclamant la toute puissance du peuple souve- rain et en ne reconnaissant à cette puissance d'autres limites que celles que lui imposent la logique et la morale, Rousseau a proclamé le principe évident et nécessaire de toute politique vraiment fondée sur la liberté. Si l'on donne à l'Etat, comme l'a fait Rousseau, l'individualisme pour principe et pour fin, si on le regarde comme composé d'hommes libres et comme ayant pour fin l'intérêt de ces hommes, on est logiquement amené à la solution de Rousseau, «l'aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté ». Après le contrat social, il ne peut plus être sérieuse- ment question de droits naturels. Sans doute, le contrat ne change pas l'ordre nécessaire des choses : il ne modifie pas ce qui est bien ou mal en soi ; les droits naturels subsistent donc bien, en un sens, à titre d'idées morales conçues par les individus : mais ce ne sont plus des réalités sociales. La loi, c'est-à-dire l'expression de la volonté générale, voilà désormais l'unique règle et l'unique critérium du droit. Libre au moraliste, libre au citoyen de condamner la loi et de regretter qu'elle soit telle ; libre à lui de travailler à la modifier pour la mettre d'accord avec ce qu'il regarde comme le droit naturel

(') C. s., III, h et iv.

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