Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/92

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82 INTRODUCTION

que le dessein de la plupart des conventionnels, et tout au moins de Robespierre, tel qu'il ressort de ses actes et de ses discours, est beaucoup plus général et plus profond, et que c'est vraiment une pensée de Rousseau. Les circonstances imposaient à la France un régime démo- cratique fondé sur la souveraineté populaire et elles exigeaient en même temps un gouvernement fort, capable de résister aux ennemis du dedans et du dehors : l'idéal du Contrat social était en quelque sorte adapté d'avance à ces deux conditions. Les révolutionnaires ont cru, comme Rousseau, qu'il était impossible de constituer une société sans utiliser la force morale des idées et surtout des sentiments religieux, et que, notamment, pour sauver, au milieu de déchirements si profonds, l'unité nationale, il fallait maintenir dans tous les esprits un fond de croyances communes, une véritable religion civile, exempte de superstition et surtout de fanatisme, mais assez puissante sur les cœurs pour incliner les volontés devant la loi.

Une première tentative (*), presque uniquement rationaliste et anti-catholique, fut faite à la tin de i"9,3, par Chaumette et la commune de Paris, qui établirent le culte de la raison, adopté d'abord avec enthousiasme en beaucoup de régions ( 2 ). Mais lorsque Robespierre fut devenu tout- puissant, après l'exécution des Héber- tistes et des Dantonistes, il entreprit de réaliser, au mois de mai 1794» un projet longtemps médité, qui est bien plus directement inspiré des idées de Rousseau : c'est l'établissement du culte de VÊtre suprême, avec lequel se confondit bientôt en partie le culte de la rai- son. Le projet que Rousseau exposa d'abord aux Jaco-

C 1 ) On pourrait déjà montrer l'influence de Rousseau dans la Constitution civile du clergé : les intentions des Constituants se comprennent mieux si l'on connaît l'esprit du Vicaire savoyard. Voir l'explication très ingénieuse qu'en donne M. Jaurès, Hist. soc., t. I, p. 539. ( 2 ) Cf. Aulard, le Culte de la Raison, ch. VI-XIV.

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