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INTRODUCTION 85

politique du parti de Robespierre en matière religieuse, qui lui a fait essayer d'établir la religion naturelle sur les ruines de la religion catholique et qui a peut-être ainsi facilité d'autant la résurrection si prochaine et si rapide de celle-ci.

Ces conceptions survécurent d'ailleurs au 9 Thermi- dor et à Robespierre ; pendant la fin de la Convention, sous le Directoire et jusque sous le Consulat, on assiste à de nouveaux efforts pour reconstituer une autre forme de religion naturelle: le culte décadaire , la Théophilan- thropie reprennent les mêmes idées essentielles et se réclament toujours de l'autorité de Rousseau. Le 9 fruc- tidor an V, un ami du directeur La Révellière-Lépeaux, J.-B. Leclerc (de Maine-et-Loire) dépose une motion « sur l'existence et l'utilité d'une religion civile en France (*) », et les arguments en sont encore puisés à la grande source de toute la politique religieuse de la Révolution, le chapitre vm du IV e livre du Contrat social.

En somme donc, autant que l'on peut prouver l'in- fluence d'un homme et d'un livre sur des faits aussi complexes, il me semble certain que le Contrat social a suggéré certaines mesures politiques, inspiré de nom- breux projets constitutionnels et agi d'une façon réelle et profonde sur la politique religieuse de la plupart des révolutionnaires. Mais, quelle que soit l'importance de quelques-uns de ces faits, l'influence de Rousseau sur la Révolution me paraît surtout capitale en ce qu'elle a contribué à donner à l'idéal révolutionnaire sa forme précise. Souveraineté du peuple, liberté et égalité, voilà les trois dogmes fondamentaux, les trois mots fatidiques que l'on retrouve partout. Il serait évidem- ment ridicule de soutenir que cela vient uniquement du livre de Rousseau. Mais je crois que ce livre apuissarn-

(*) Ce fait m'a été signalé par M. Mathiez, qui prépare un important travail sur la Théophilanthropie et le culte décadaire.

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