Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/137

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féeriques analogues aux tableaux de maîtres.

Fabriquée à l’endroit par une anomalie que réclamait l’extraordinaire appareil spécialement destiné à fonctionner pour un public attentif, la bande d’étoffe s’agrandissait vite, montrant tous ses détails puissamment éclairés par les projections du phare. L’ensemble représentait une vaste nappe d’eau, à la surface de laquelle des hommes, des femmes et des enfants, les yeux dilatés par la terreur, se cramponnaient désespérément après quelques épaves flottant çà et là parmi des débris de toute sorte ; et si grande était l’ingéniosité des fabuleux rouages de la machine, que le résultat pouvait soutenir la comparaison avec les plus fines aquarelles ; les visages, pleins d’expression farouche, avaient d’admirables tons de chair, depuis le brun hâlé du vieillard et le blanc laiteux de la jeune femme jusqu’au rose juvénile de l’enfant ; l’onde, épuisant la gamme des bleus, se couvrait de reflets miroitants et variait suivant les places son degré de transparence.

Mû par une courroie de transmission dressée hors d’une ouverture du vaste coffre auquel le rivaient deux supports, l’ensoupleau attirait le tissu qui déjà s’enroulait sur lui. L’autre extrémité de la chaîne offrait une assez forte résistance due à une tringle d’acier qui, servant d’aboutissement aux soies, était prise entre deux