Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dans le bienheureux pays en question, le vent, parfaitement régulier, se chargeait bénévolement d’indiquer l’heure aux habitants. À midi juste il soufflait violemment de l’ouest et s’apaisait progressivement jusqu’à minuit, moment poétique où régnait un calme plat. Bientôt une légère brise venue de l’est s’élevait peu à peu et ne cessait de croître jusqu’au midi suivant, qui marquait son apogée. Une saute brusque se produisait alors, et, de nouveau, la tempête accourait du ponant pour recommencer son évolution de la veille. Remarquablement adaptée à ces fluctuations invariables, l’horloge soumise en effigie à notre appréciation remplissait son office mieux que le banal cadran solaire, dont la tâche uniquement diurne est sans cesse entravée par le vol des nuages.

Le pays de Cocagne avait déserté la nappe liquide, et le courant, redevenu lisse, engloutit une dernière pastille noyée par Fuxier.

La surface, en se plissant avec art, dessina un homme à demi nu portant un oiseau sur son doigt.

— « Le prince de Conti et son geai, » dit Fuxier tout en montrant sa main vide.

Quand les ondulations furent nivelées, le cortège reprit le chemin d’Éjur, en s’enfonçant dans la nuit noire que ne dissipait plus la clarté du phare éteint brusquement par Rao.