Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/234

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paré, qui à son tour parut au balcon. Le nouveau venu, en pourpoint brodé, en culotte courte et en toquet de velours, portait une fraise engonçante et un loup mystérieux approprié à l’expédition clandestine qu’il semblait préparer.

Après un échange de signaux pleins de recommandations et de promesses, l’amoureux, enjambant sa balustrade, posa le pied sur le fil de fer, puis, les bras étendus en manière de balancier, se mit en devoir de franchir, par le chemin aérien offert à son audace, la distance qui le séparait de sa belle voisine.

Mais soudain, prêtant l’oreille vers l’intérieur de sa maison comme pour épier le pas de quelque jaloux, la jeune femme rentra précipitamment chez elle, avertissant par un geste l’amant téméraire, qui, rompant à grandes enjambées, regagna son point de départ et s’éclipsa derrière ses rideaux.

Quelques instants plus tard les deux fenêtres se rouvraient presque en même temps, et le périlleux voyage recommençait avec une espérance nouvelle. Cette fois le trajet s’accomplit jusqu’au bout sans fausse alerte, et les deux amants tombèrent aux bras l’un de l’autre, au milieu d’ovations prolongées.

Le fil de fer et les deux décors furent enlevés rapidement, et un jeune couple espagnol, faisant