Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/320

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Courroucés par cette attitude provocante, ceux qu’il interpellait ainsi se jetèrent sur lui et le renversèrent sur le sol avec rage. Trop faible pour se défendre, Phéior se releva péniblement et s’éloigna tout meurtri en maudissant ses agresseurs. Soudain, au détour d’une rue, il tomba à genoux, en extase, à la vue de son ancienne amante, qui passa sans le reconnaître, richement parée et suivie d’une foule d’esclaves. Phéior, pendant un moment, se sentit reconquis par sa brûlante passion ; mais, la vision évanouie, il parvint à se ressaisir et gagna de nouveau le désert, où, après plusieurs années de pénitence continuelle, il mourut vainqueur de ses penchants et pardonné.

Après la légende de Phéior, le moine Valdivieso décrivait deux martyres fameux, celui de Jérémie lapidé par ses compatriotes à l’aide de nombreux silex tranchants et pointus, puis celui de saint Ignace livré aux bêtes, qui lacérèrent son corps tandis que son âme, par antithèse, montait vers le paradis, offert sous l’aspect féerique d’une île merveilleuse.

L’ensemble de ces discours présentait une grande unité. Leurs frappants sujets avaient pour but évident d’attirer vers le bien l’esprit de Roméo, expliquant en outre la facilité avec laquelle Juliette, image de l’amour pur et conjugal, s’emparait victorieusement du jeune homme adonné