Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/382

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elle connaissait l’ardente passion, avait sans nul doute lancés sur ses traces.

Mais une inquiétude l’obsédait sans trêve, basée sur le remords d’avoir rompu le jeûne avant le délai voulu.

Une rencontre faite le jour suivant augmenta ses transes, qui prirent subitement une précision plus terrible.

En pleine campagne, un homme aux allures de fou l’accosta en gesticulant et lui mit le trouble dans l’âme en lui prédisant une chute vertigineuse et prochaine pour punition de son parjure.

Quelques heures passèrent pendant lesquelles Ghîriz et Neddou gardèrent le silence, douloureusement impressionnés par l’étrange prophétie.

Vers le soir, à un détour du chemin, la jeune femme poussa un cri d’effroi, cherchant à chasser de la main quelque horrible vision.

Devant elle, d’innombrables yeux sans corps ni figure apparaissaient deux à deux, en la fixant durement avec blâme et sévérité.

En outre, ces regards fascinants l’attiraient peu à peu vers le bord de la route, qui surplombait un abîme insondable hérissé de pointes rocheuses.

Étranger à cette brusque hallucination, Ghîriz ne comprenait rien à l’épouvante de son amie.