Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/8

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vingt ans à peine, se livrait à un absorbant travail. À sa droite, deux piquets plantés chacun sur un angle du socle se trouvaient reliés à leur extrémité supérieure par une longue et souple ficelle, qui se courbait sous le poids de trois objets suspendus à la file et distinctement exposés comme des lots de tombola. Le premier article n’était autre qu’un chapeau melon dont la calotte noire portait ce mot : « PINCÉE » inscrit en majuscules blanchâtres ; puis venait un gant de Suède gris foncé tourné du côté de la paume et orné d’un « C » superficiellement tracé à la craie ; en dernier lieu se balançait une légère feuille de parchemin qui, chargée d’hiéroglyphes étranges, montrait comme en-tête un dessin assez grossier représentant cinq personnages volontairement ridiculisés par l’attitude générale et par l’exagération des traits.

Prisonnier sur son socle, Naïr avait le pied droit retenu par un entrelacement de cordages épais engendrant un véritable collet étroitement fixé à la solide plate-forme ; semblable à une statue vivante, il faisait des gestes lents et ponctuels en murmurant avec rapidité des suites de mots appris par cœur. Devant lui, posée sur un support de forme spéciale, une fragile pyramide faite de trois pans d’écorce soudés ensemble captivait toute son attention ; la base, tournée de son côté mais sensiblement surélevée, lui servait de métier