Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/114

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les auréoles des saints flamboient à nos yeux quand nous passons, puis retombent dans l'obscurité. Sous nos pieds et sur notre tête, se déroule une succession de tableaux semblables à un rêve ; un mélange de visions belles et terribles ; de dragons et de serpents ; de bêtes féroces et de gracieux oiseaux qui, sans les redouter, boivent, à côté deux, l'eau des sources ; de symboles variés représentant les passions et les plaisirs de la vie et le mystère de la Rédemption.

Tous ces enchevêtrements d'images diverses aboutissent à la Croix qu'on retrouve partout, sur chaque pierre et surtout devant le maître-autel où elle se dresse rayonnante, au milieu de riches armoiries, dans l'ombre de l'abside. Bien qu'on rencontre un peu partout « l'image de la mère de Dieu » elle n'est pas la Divinité adorée en ce lieu : c'est la Croix qu'on voit d'abord, pour qui la lumière brûle au milieu du Temple; chaque dôme, chaque cavité du toit doit posséder l'image du Christ,

L'intérieur de l'église n'est pas sans effet sur l'esprit de la population. A toute heure du jour, les diverses reliques réunissent un groupe de fidèles adorateurs et de pieux solitaires cherchant pour se recueillir dans la prière, les retraites le plus tristement sombres. Les pas des étrangers ne distraient pas ceux qui sont agenouillés sur le pavé de Saint-Marc ; on les voit se relever, baiser le pied du crucifix de l'aile nord devant lequel brûle une lampe, et quitter l'église, moins abattus.

N'en concluons cependant pas que la grandeur et la noblesse de l'édifice éveillent en eux l'esprit religieux. Venise renferme assez de malheur pour faire plier les genoux à beaucoup sans que les beautés extérieures y entrent pour quelque chose, et, si dans la dévotion apportée à Saint-Marc, il existe une part qui ne soit pas