Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/147

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particuliers ; mais ces divergences furent écartées par la tradition et l'habileté des moines et des francs-maçons. Quant à la nécessité des voûtes, des arcs-boutants et des tours, elle était imposée par la grande dimension des cathédrales et ne se retrouvait naturellement pas ailleurs ; il n'y avait là qu'une adaptation mécanique proportionnée aux exigences du vaste développement de l'édifice, il n'y faut rien chercher de particulièrement ecclésiastique. Les habitants des villes, quand ils fournissaient des sommes pour l'embellissement de leur église, n'avaient qu'un seul désir : orner la maison de Dieu comme ils se plaisaient à orner la leur, un peu plus richement encore et avec un choix plus sérieux des sujets de sculpture. Toutefois, nombre de détails vulgaires figurent dans les églises du Nord, tandis que les maisons étaient des sortes de temples : au-dessus de leur porte d'entrée, une niche abritait l'image de la Madone ou du Christ, et des scènes de l'Ancien Testament étaient curieusement intercalées entre les figures grotesques des corbeaux et des pignons.

Le lecteur doit maintenant comprendre que la question concernant la convenance de la décoration dans les églises repose sur un terrain différant étrangement de celui généralement adopté pour la discuter. Tant que nos rues renfermeront des murs de briques, tant que nos yeux ne verront, dans le cours de la vie journalière, que des objets très laids, d'un dessin sans consistance ni signification, il est douteux que ces yeux, capables d'apprécier la beauté mais en ayant été privés pendant toute leur vie, aient gardé la faculté de se réjouir tout à coup en entrant dans un lieu de prière ; que la couleur, la sculpture et la musique puissent charmer nos sens et exciter notre curiosité, par leur appel inaccoutumé, au moment où nous devons nous recueillir dans un acte de piété.